Seringat livre

Mon prochain livre aborde le sujet des liens mères-filles

Extrait :

Sur le plan sociétal, l’image maternelle dont nous héritons est celle d’une mère pure, toute puissante, bénie et protégée. Quant à l’image paternelle, elle témoigne plus d’un oubli, d’un refoulement et d’une négation. Même si la pensée patriarcale a façonné des siècles de libéralisme dans notre société, avec son cortège d’hommes influents, puissants en affaires et omniprésents dans toutes les décisions de la cité, il n‘en reste pas moins que la figure paternelle au sein du foyer a besoin d’être dépoussiérée et restaurée. Surtout après des années de revendications féministes. Nous avons besoin de réhabiliter les hommes, les pères, aux côtés de nous. Nous avons besoin qu’ils puissent échapper à notre contrôle et à notre sacro-sainte suprématie maternelle.

Croire au mythe de cette sorte de femme harmonieuse laisse à penser aux mères et aux filles que nous sommes, que nous devons nous comporter éternellement comme une personne douce et généreuse, une personne qui ferme sa bouche pour créer le moins de conflit possible autour d’elle. Les mères sacrificielles qui lancent cette petite phrase assassine « Avec tout ce que j’ai fait pour toi », et les filles qui refusent des sorties par peur de l‘inconnu ou sous prétexte de « Ma mère a besoin de moi », créent en réalité des existences obscures et compliquées. Elles demeurent enveloppées d’un cocon qu’elles ressentent comme douillet et n’osent plus quitter ce lit de plumes.

L’empreinte maternelle témoigne d’une belle passion, mais cette confusion est aussi un problème qui nécessite chez l’enfant-fille, qu’elle ose se dégager de cette intensité émotionnelle et de ces attachements portés à sa mère, cette fidélité féminine pouvant devenir nocive.

 

Facilitatrice de cercles féminins depuis plus de 20 ans, je fais face à de nombreuses orientations excessives où le féminin cherche à l’emporter sur le masculin. Par exemple dans certains cercles de paroles dont la mouvance a tendance à éloigner subtilement le principe masculin pour lui préférer la puissance féminine. Toutes ces orientations peuvent devenir sources de déviance. Car les principes féminins et masculins ont tous deux leurs places, comme le ciel et la terre, le soleil et la lune, l’eau et le vent… Et la psyché sera toujours plurielle.

Je ne suis pas de celles qui se sentent dérangées ou offusquées par le masculin qui l’emporte en conjugaison. Féminiser le mot auteur et ajouter des « e » partout ne m’importe guère. Je suis convaincue que les cercles de femmes aident les femmes à retrouver un chemin vers leur identité profonde, au-delà des conditionnements sociétaux qui les obligent depuis des siècles à plaire et à se conformer à la pensée dominante. J’aime à penser que les cercles de femmes ne sont qu’une étape pour retourner vers les hommes, nos partenaires, nos amoureux, nos amants, nos collègues… Ce qui se joue au sein du lien mère-fille, que ce soit en termes d’ambivalence, d’exclusivité éducative et de manipulation psychique, est pour moi parfois plus sournois et plus dangereux qu’il n’y parait. Plutôt que de renier les hommes, nous pourrions nous les femmes regarder de plus près les engrammes maternels qui nous empêchent de nous choisir pleinement en tant que femme.

La société a tant façonné nos comportements et l’emprise des mères est si forte que nous manquons terriblement de modèle féminin inspirant. Inconsciemment, les mères disent à leur fille : « Sois comme moi, agit comme moi, pense comme moi et en même temps elles leur chuchotent : Surtout ne me ressemble pas, ne fais pas mes erreurs, démarque-toi ! ».

Ce serait plus juste de dire à nos filles : « Vois, je marche devant toi, comme l’a fait ta grand-mère avant moi. Nous te laissons une trace. A toi de la suivre si elle te convient, à toi de bifurquer quand bon te semble et de revenir dans ces traces plus tard. Ou pas. Tes pas t’appartiennent, sens-toi libre. Arrête-toi. Respire. Prends le temps d’expérimenter, de choisir ta voie, de choisir ton camp ! ».

 

Quand nous pénétrons au cœur de notre système familial, nous nous rendons compte qu’il nous est nécessaire de pénétrer toute l’ambigüité de la constellation parentale, de glisser dans ses méandres pour en débusquer les loups cachés. Cela demande de revenir aux perceptions maternelles enfouies tout au fond de nous : souvenirs d’enfance, images, sensations, évènements particuliers… afin de comprendre comment cela nous a façonnés en retour.

C’est pourquoi il peut être bon de répondre à cette question : Qui me dirige encore ?

 

Entre confidence, humour et émotion, nous sommes nombreuses à rêver d’un vrai dialogue entre mère et fille.  Celles qui parlent de connivence, de bonheur, de respect et d’écoute témoignent de la force de ce lien unique. Toutes les mères sont des exemples à part entière dans leur manière d’être, dans leur façon de voir le monde et de le créer suivant leurs propres codes.

J’invite ici toutes les mères mes à s’interroger, à sortir des normes maternelles imposées par la société, du je dois, il faut, pour incarner auprès de nos filles un esprit libre et novateur. Se comporter ainsi en éveilleuses du féminin et du masculin avec les futures femmes de notre lignée pourrait s’avérer être une source miraculeuse pour la planète !

 

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